La dernière difficulté est franchie, il ne me reste qu’à me laisser glisser durant 7 km vers ces milliers de points lumineux qui scintillent ; Mandelieu enfin te voilà ! Un sentiment de plénitude m’envahit…je brise le silence de la nuit par un grand « je l’ai fait ! ». Je suis fatigué, broyé mais tout s’efface en un instant. Je réalise enfin que j’ai réussi ce pari un peu fou. Un état second qui relègue aux antipodes les douleurs d’un corps meurtri par 8 jours d’efforts pour venir à bout des 2607 km de la Race Across France 2025. Que s’est il passé entre Dinan et Mandelieu ? une bataille contre les éléments, une lutte incessante contre la douleur…certes, mais surtout un voyage intérieur, une découverte du cœur de la France, des rencontres merveilleuses et le besoin obsessionnel de toujours aller de l’avant. Immersion dans le monde de l’Ultra, bienvenue sur la Race Across France !
J1 – Dinan (22) 0 km / Quelaines St Gault (53) 550 km
Nous y sommes après temps de mois d’attente. Fanny m’accompagne et sa présence me rassure. Je prépare les sacoches…il reste quelques choix à faire, que prendre ? Il s’agit de ne rien oublier mais de ne pas non plus verser dans l’excès pour alléger au maximum le vélo…choix cornélien qui fait l’objet d’un arbitrage jusqu’à la dernière minute. Le village départ est en effervescence ; retrait des plaques, préparation des sacs de délestage et contrôles des vélos et du matériel obligatoire. Un peu de fébrilité…mais ça va ! Je suis plutôt calme mais au fond de moi la pression monte petit à petit. La star des réseaux arrive, l’occasion de discuter avec Maxime Prieur qui vise un top 10 et 6 j pour boucler le parcours…A 19h52, je serais enfin libéré. Ici La Race ne passe pas inaperçue. Le village de Dinan est un peu bouleversé. Le vélo est roi, la marque Race Across Series s’affiche partout en grand. L’organisation est très professionnelle et un peu trop anglicisante à mon goût. Mais je me laisse aisément porter par cette vague. Je suis USS481, je fait partie de l’aventure…alors en avant !
La rampe de départ est impressionnante, on passe sous les feux des projecteurs. Je retrouve Mathieu un jeune de la Réunion avec qui j’avais roulé sur un brevet de 600. Il est très motivé. Je rencontre aussi Jean Michel Bayle himself ! Nous avions échangé sur les forums. Comme lui j’utilise un Cannondale dont il est un des ambassadeurs. Il m’encourage à l’approche du podium dans le sas du départ par une franche poignée de main comme si nous nous connaissions depuis toujours. Tous dans le même bateau ! Le désistement de 2 participants me laisse le temps sur le podium de parler de l’association Hôpital Sourire pour laquelle je participe. On aurait voulu faire exprès on aurait pas fait mieux.
3,2,1 partez, j’entends Fanny qui crie, je me laisse guider par les signaleurs. J’ai du mal à imaginer que je file pour 2600 km… Il s’agit de trouver son rythme. Les jambes sont pas mal. Je cale le régulateur à 28km/h et je reprend régulièrement quelques participants. Les départs s’échelonnent toutes les 30 secondes. Mathieu, parti 1 minute après moi, me double mais je laisse filer, je vois bien qu’il est un ton au dessus.
Le Cap Fréhel est en vu, le vent nous pousse. Paysage magique sur la Manche avant la tombée de la nuit. Il fait chaud, je suis en court et recouvert de moucherons ! Beaucoup de changement de direction, le parcours est délicat, il faut garder un œil attentif sur le GPS. La nuit est plutôt humide mais se passe sans encombre et je commence à m’arrêter dans un bar puis un cimetière pour remplir les bidons. Vers 3h00 du matin, la pluie tombe plus épaisse… il est temps d’enfiler la Goretex. L’orage arrive et je m’abrite quelques minutes sous un porche. Certains décident de s’accorder une sieste. Vers 5h du matin je ressent de la fatigue et décide de m’arrêter dormir 40 mn à St Efflam par terre derrière les toilettes publiques. En fait je suis face à la mer sans le savoir.
La Bretagne est colère. je roule avec 2 jeunes dont Alix avec qui je discute souvent et nous fonçons dans les monts d’Arée têtes baissée dans un orage monumental. Ça tape fort et la pluie diluvienne me ruisselle jusque dans les chaussettes. La foudre ne tombe pas très loin… mais cela ne dure pas, alors je continue. Cette après midi le soleil est annoncé, tant mieux, les affaires pourront sécher. Mur de Bretagne se dresse devant nous…bof bof…c’est raide mais moins long que j’imaginais. 345 km au compteur, je roule depuis 16h30. Il me reste 200 km avant d’atteindre la 1ère base de vie. Je connais un peu les routes car nous sommes dans le secteur du Paris Brest Paris. Après Loudéac, le relief devient moins exigeant. Je m’arrête rapidement pour manger un sandwich, puis 1 sieste de 10 mn à l’ombre. En fin d’après-midi, je retrouve Yan Payen, qui est plutôt expérimenté. Il fait chaud et l’approche de Quelaine est un peu longue. Finalement j’arrive avant la tombée de la nuit en bouclant les 550 premier km en moins de 26 h. Commence alors un rituel… en effet comme d’autre participants je suis volontaire pour une expérimentation avec les universitaires de la côte d’opale présent sur l’épreuve. Il s’agit d’une étude sur le sommeil durant l’épreuve. Toutes les 4 h je reçoit un sms et doit donner mon ressenti vis à vis de mon état de fatigue via une appli. Au bases de vie je dois réaliser un test logique pour juger de l’état de mon cerveau au fil des jours ainsi qu’une épreuve pour tester ma force ! Bref, 5h40 d’arrêt durant lesquels je me restaure, je me douche, je recharge le Di2 (transmission électrique) et j’essaie de dormir sur un lit de camp….3h de sommeil agité…et je repars motivé en pleine nuit à 3h30.













J2 – Quelaines St Gault (53) 550 km / Chamborand (23) 903 km
La lune éclaire la route et les nappes de brouillards enveloppent les fonds de vallées. Au lever du jour je m’arrête 20 mn pour une sieste. Les jambes sont très dures mais aucunes douleurs particulières. Coté matériel tout marche impeccable. Juste une crevaison en Bretagne et le préventif de ma roue avant a bien fonctionné pour boucher le trou. Je roule en tubeless en section de 32 pour un maximum de confort. Une chaude journée est annoncée sans grandes difficultés… sur le papier ! Je retrouve mon oncle à Gizeux au km 675. L’occasion de discuter et de faire un arrêt boulangerie. Le téléphone vibre depuis le départ. Volontairement je ne prend pas les appels mais je lis les SMS et vois sur mon compteur les notifications Instagram. Les messages affluent de la famille, des amis et collègues… c’est très motivant de se sentir suivi et encouragé.
Je franchi la Loire à Langeais. C’est le coin des châteaux ! Arrêt dans une épicerie pour remplir la musette, je m’accorde une pause de 20 mn pour bien manger. La chaleur devient de plus plus pressante et le piège se referme sur nous… le vent est défavorable et le thermomètre grimpe à 37 °C. Je m’arrête régulièrement dans les cimetières pour m’asperger et remplir les bidons. C’est un four. Les pieds gonflent. Je tiens quand même une bonne allure et rattrape quelques participants. Ce n’est pas un but en soit, je ne joue pas du tout le classement. Mais le fait de rattraper des participants me prouve que je ne faibli pas. Il me tarde d’arriver en Creuse pour changer de cap car la lutte contre le vent est épuisante. Argenton sur Creuse, je prévois un arrêt pour faire le plein de la sacoche avant la nuit. Un Alsacien me branche pour un vrai repas… pourquoi pas ! Un croque Monsieur, frites, salade, 1 bouteille de Sampé et une bonne bière ! Je repars le ventre plein. Cet arrêt fait du bien. La route s’élève et les jambes sont légères. Je me laisse griser par cet excès de forme jusqu’à la tombée de la nuit. Première erreur… mon genou gauche tire la sonnette d’alarme… La journée s’arrête vers 23h00 à Chamborand perdu dans la Creuse après 350 km. Un préau municipal fait l’affaire en guise d’hôtel. L’orage gronde dehors, je suis à l’abri. 5 heures d’arrêt et 4h de sommeil.
J3 – Chamborand (23) 903 km / Lalbenque (46) 1241 km
Une journée spéciale commence car ce soir j’arrive chez moi dans le Lot. Le terrain est très accidenté et le vent souffle fort. Le genou me gêne un peu mais c’est supportable. Je retrouve des gars à Bourganeuf dans une boulangerie vers 7h00. Cette boulangerie se dresse comme un phare au beau milieu d’une rue fantomatique parsemée de vitrines abandonnées… Un pain au raisin, une choco et ça repart. Il fait un peu froid mais la route s’élève et serpente au beau milieu des conifères. Voici l’Alsacien et 2 autres collègues qui avaient continué de rouler dans la nuit hier. Nous sommes à Royère de Vassivière, le soleil drape la place du village et une boulangerie propose cafés et viennoiseries en terrasse…. de quoi partir du bon pied… la journée va enfin commencer ! La chaleur monte et le magnifique lac de Vassivière me donne des idées. Je partage quelques kilomètre avec un régional de l’étape qui tracte son petit dans une remorque…. Une part de pizza à Bugeat que je mange en roulant et me voici dans les Monédieres si chères à Delphine. Les routes sont belles mais je m’endort et la fringale me guette. C’est compliqué, je connais alors ma première défaillance sur cette RAF. 12h30, la boulangerie vient de fermer à Chamboulive… mais le bar est ouvert. Il me faut un électro choc ! Je retrouve Charles en terrasse, un jeune grimpeur de Chambéry. Nous partageons une planche XXL de charcuterie et fromage. Une bière pour pousser tout ça et me voila requinqué pour l’après-midi ! Le mur d’Issandon est terrible… je mouline mon 34 X 34 pour épargner mes genoux. Je retrouve Thomas et Eva à Larche, ça me fait plaisir de les voir. Un arrêt glace et il est temps de monter sur le causse en direction du Lot. Le vent est plutôt favorable et je retrouve mon coup de pédale. Demain matin, toute la famille sera présente à la base de vie de Montastruc. J’ai demandé à Fanny de m’acheter du Voltarène pour soulager les genoux. Enfin le Lot… avant Souillac, voila Marc qui me retrouve sur le bord de la route. Une photo, quelques mots d’encouragement et je file manger à la Bicicleta. Romuald et Céline nous attendent. Cela fait 71h que je suis parti, 1145 km au compteur. Il est 20h00 et je repars ragaillardi et motivé pour boucler les 100 km qui me séparent de Lalbenque. J’ai un petit avantage car je connais bien les routes mais je vais finir tard ce soir. Tiens, tiens, voila Fabien Delpy à Labastide Murat. On discute un peu le temps de grignoter 5 mn. Je ne suis pas au bout de mes surprises car mes collègues m’attendent juste avant Cras. Antoinette, Adeline et Sylvain font le pied de grue. J’adore et ils me donnent de l’élan pour continuer dans la nuit. C’est au tour de Boris et Fabien de partager quelques kilomètres durant la remontée sur St Michel de Cours. Les amis vous êtes top ! A minuit un camion est arrêté à Vers… c’est celui du club ! Samuel et Nico sont là pour me claquer la bise. Demain ils organisent le championnat régional à Lalbenque… ça va piquer. Enfin sur la D10 d’Aujols, une voiture me double… C’est Lolo Lagarrigue et Paul. Excellent, tout le monde s’est passé le mot. Ça me fait du bien car il est tard et je fatigue. Direction Cremps par une petite route très pentu depuis le Mazet. La journée s’achève à Lalbenque… il est presque 2h du matin. Fanny m’attend, je suis trop content de la voir. Pas une minute à perdre, je file sous la terrasse de la salle polyvalente… un comble, je bivouaque à 8 km de la maison ! 5 h d’arrêt et 4 h de sommeil. Demain matin objectif base de vie n°2 à Montastruc !
J4 – Lalbenque (46) 1241 km / Aurillac (15) 1545 km
Le froid me réveille vers 6h00 et j’ai hâte de retrouver la famille à Montastruc. Un rapide coucou aux copains du club qui se lèvent eux aussi au Mercadiol pour organiser le Régional. La mise en route du matin est toujours délicate… quoi de plus confortable qu’une selle de vélo ! Le ciel est chargé et l’orage commence à gronder. Petit déjeuner rapide à Caussade. J’attend toujours ce moment avec impatience… un grand chocolat, parfois un café et 3 viennoiseries. C’est tout simple mais ça me réveille et la journée peut alors commencer. Je retrouve Chantal, Jenny et Juliana qui ont installé le fan club à la sortie de Nègrepelisse. Yann n’est pas loin devant moi, il a dormi avec Avril la veille à la Truite Dorée à Vers. Avril est une jeune athlète qui joue la victoire et dont son parcours de vie force le respect. Très abordable elle n’hésite pas à donner des conseils. Il pleut de plus en plus fort alors j’enfile la Goretex. Une voiture me suis… c’est Mathieu mon beau frère qui vient me saluer. Et voilà Fabrice en vélo qui me chasse depuis pas mal de kilomètre. Mon père arrive en moto… bref je suis escorté ! La Team Campan fait du bruit à Montastruc, toute la famille est présente, ça fait plaisir de les voir. Je sais qu’ils suivent mon évolution avec attention et j’essaie de leur donner régulièrement des nouvelles. C’est le moment de faire le break, l’occasion de souffler un peu. Il faut tout de même être efficace car je ne veux pas partir trop tard. Avril et Alix me disent qu’ils ont réservé une chambre à Aurillac. Il reste 200 km et vu le profil qui se dresse devant nous cela me parait ambitieux mais c’est un bon objectif. En attendant, je recharge ma transmission électrique, GPS, téléphone… Enfin une douche, je change uniquement mon maillot… J’ai prévu de faire la totalité du parcours sans changer de cuissard ni de chaussettes… pari osé ! Je me restaure et tout le monde est aux petits soins pour moi. C’est une chance que le parcours passe chez nous !
Il faut repartir, le temps m’inquiète un peu car des orages sont annoncés. Arnaud Manzanini me rassure sur les prévisions… affaire à suivre. A Salvagnac je double Ludivine Mantz qui n’ a plus beaucoup d’autonomie à son GPS. Je retrouve aussi l’Alsacien mais je ne suis pas dans le rythme et le laisse filer. Mathieu m’accompagne quelques km après avoir roulé avec son copain Yann. Il faut monter à Vaour par la Grésigne. Je m’endors… décidément ! la montée est laborieuse, au sommet je croise Benoit alias Cacahuète ! Ça fait une éternité que l’on ne s’était pas croisés sur un vélo. il est affuté comme une lame. A Vaour, je m’arrête au point d’eau. Pas longtemps car voici Avril, Alix et Ludivine ! Allez je m’y recolle, une opportunité de me relancer. En discutant un peu, ça va mieux. je prend le large après Najac. C’est dimanche et rien n’est ouvert… je tape dans les réserves mais la fringale me guette. A Villeneuve, après 3 tours de village nous trouvons un kebab ouvert, il va nous sauver. 1h d’arrêt, des frites, un kebab et une bière. La fraicheur tombe et il nous reste encore 85 km. Nous restons groupé et le profil s’élève en direction du Cantal. Avril m’impressionne. Je ne l’a connait pas mais je vois bien qu’elle est volontaire et elle ne se ménage pas dans les montées. Pour Alix, c’est plus dur. Je décide de rebrousser chemin pour l’accompagner à 25 km d’Aurillac. Il est 1h00, il fait froid mais nous sommes motivés à l’idée de dormir au chaud dans une chambre d’hôtel ! Journée terminée, j’ai parcouru 1545 km depuis le départ. Une douche et au lit. 5 h d’arrêt.
J5- Aurillac (15) 1545 km / St Genès La Tourette (63) 1775 km
Finalement je repars assez tôt vers 6h30. Je regrette car j’aurai pu dormir un peu plus. Mais l’idée de tourner à Clermont Ferrand ce soir me motive pour avancer. Le vent est froid. Un calvaire pour remettre la machine en route. Mais je vais pouvoir me réchauffer un peu car le circuit m’emmène sur la magnifique route des crêtes. C’est très joli, le soleil se lève sur la chaine des Puy. A Mendaille je cherche en vain un café pour déjeuner… tans pis tout est fermé. Direction le Puy Marie par le Pas de Peyrol. 11 km de montée, le premier véritable col de cette RAF. C’est une habitude, je ne suis pas réveillé ce matin et le coup de pédale et très heurté…. Je m’arrête au beau milieu du col pour dormir 5 mn. Incroyable ! Ça souffle fort et à force de patience je finis par rentrer dans ce Puy. Petit déjeuner 4 étoiles au sommet : grand chocolat, gâteau de crêpes et tarte aux myrtilles maison. Le vent est terrible. On dirait que la montagne hurle. Je retrouve mon ami Alsacien. On s’habille chaudement pour la descente. Place aux grandes étendues en plein cœur du Parc Naturel des Volcans d’Auvergne. Le col de Chamaroux est magnifique. Ça vente fort mais c’est trop beau, bienvenue dans le Cezallier. Je m’arrête à Besse pour un gouter mérité. L’approche sur Clermont est interminable. A Murol se dresse un mur…. C’est vraiment dur… Je comprend petit à petit la différence entre l’Ultra et les BRM… La route est plutôt large et on voit au loin notre base de vie… Voici enfin Clermont. Comme d’habitude les bénévoles sont extras. Je recharge les appareils et me restaure comme il faut. Nous ne sommes pas nombreux, peut être 4 ou 5. Arrêt d’1h30 et je file avant 19h00 en direction des Monts du Livradois. Il fait bon et enfin le vent me pousse. A Sauxilanges avant la tombée de la nuit, je vois un hôtel…. j’hésite 1 mn et finalement je continue dans la montagne me disant que je trouverai un super spot pour bivouaquer… mauvais choix !!! La route s’enfonce dans la forêt le long d’un ruisseau durant 8 km. A 23h je m’arrête dans un village et m’installe sous le porche d’une église. Erreur stratégique, ça sera la plus mauvaise nuit que je vais passer. La pierre est froide et il me manque un duvet pour dormir correctement. Je me restaure, assiste au passage des participants du 1000 km partis à 20h00 et tente de dormir.
J6- St Genès La Tourette (63) 1775 km / Buis les Baronnies (26) 2060 km
A 3h00 du matin je ne peux plus dormir tellement j’ai froid… je met beaucoup de temps à me préparer. Il fait 5 degrés ! La doudoune est de rigueur. Un petit calvaire pendant quelques kilomètres, le jour se lève et je retrouve quelques gars notamment du 1000 km. La forêt est superbe et le parcours toujours aussi difficile. On monte un mur, surement du 15%. C’est la première fois où je ressent une limite physique dans une ascension. Je suis à fond et je n’ai plus de force pour pousser sur les pédales. La cale de ma chaussure droite prend de plus en plus de jeu… en fait c’est la structure de ma pédale qui se détériore prématurément… je refais l’épaisseur du matériau avec quelques tours de scotch d’électricien ! Petit déjeuner à Vorey sur Arzon où je retrouve Alix et Rémi. Alix est motivé comme jamais et je discute avec Rémi qui est très expérimenté. Il a un joli coup de pédale et se bat en plus avec sa poignée droite cassée qui ne lui permet pas de passer toutes les vitesses ! Dans la vallée, la chaleur est de plus en plus pressante mais la remontée sur le plateau de l’Ardèche à 1000 m d’altitude fait du bien. C’est très fleuri en direction des Estables. Décor de carte postale à l’approche du Mont Gerbier des Joncs. Ici prend naissance la Loire. Le profil est plutôt descendant en direction du Rhône. Je m’endors dans la descente et je m’accorde une micro sieste sur le bas coté. C’est une obligation… j’en éprouve le besoin chaque jour. La descente sur le Rhône est difficile, je suis crispé, la nuque est raide et les poignets me font mal. C’est un four en bas… je retrouve Alix en terrasse d’une petite épicerie à Viviers. Et là, ça triche pas… on dévalise le magasin. Il faut recharger les batteries. Je reste bien 1h à manger. Direction Vaison La Romaine. La route s’élève au beau milieu des champs de Lavande. A chaque fontaine je m’arrête pour m’asperger. Les villas sont immenses et les piscines font envie. Le cap des 2000 km est franchi. Cela fait pile 6 jours que je suis parti. A Tulette je craque pour une entrecôte frite. La patronne n’est pas conciliante… elle m’interdit de me déchausser en terrasse et refuse de me préparer un sandwich pour la musette ! Heureusement à Vaison La Romaine je trouve un bar insolite où l’hospitalité n’est pas galvaudée. Le patron me prépare un sandwich et je goute la bière locale. Je décide de continuer en direction de la montagne de Lure pour me trouver un bivouac. Le Ventoux en impose, majestueux, il plante le décors… bienvenue en Provence. La nuit tombe et j’aimerai bien trouver un bon endroit pour dormir… Un camping est ouvert… ni une, ni deux je met le clignotant et m’arrête. Le gérant m’installe dans un vieux mobil-home avec 2 autres participants. C’est un peu délabré mais il y a un lit ! Je me dit que je vais enfin pouvoir bien dormir…. en fait non ! les genoux me font souffrir et me réveillent. Nuit agitée…
J7- Buis les Baronnies (26) 2060 km / Le Lauzet Ubaye (04) 2350 km
Je repars vers 5h du matin. Brantes, Montbrun… les villages des concentrations Pascales, souvenir Vélocio… je m’arrête devant la stèle. Je suis engagé sur un ultra mais toujours cyclotouriste dans mes veines. Un arrêt dodo de 10 mn sous un abri dans un village. Une boulangerie est ouverte… un petit déj s’il vous plait ! Direction le col de Macuegne avant l’approche de la montagne de Lure. Je vois les émetteurs… tout à l’heure il faudra monter tout là haut. A Valbelle, je me prépare pour l’ascension. Crème solaire, bidons pleins c’est parti pour 22 km d’ascension. C’est un sacré morceau qui se dresse devant nous. Je suis en travers… aucune sensation, jambes lourdes… aie ça commence mal. La route est plutôt agréable et ombragée. Au bout de 7 km, je suis toujours à la lutte et un Parisien, ancien rugbyman, me rattrape. Nous discutons et cela me réveille ! Je retrouve mon coup de pédale et termine à bonne allure les 10 derniers km. C’est très joli, un faux air de Ventoux…. car objectivement c’est bien moins dur ! Séance photo au sommet, pause sandwich à St Etienne les Orgues. Je file rapidement en direction de la base de vie de Digne les bains. Je commence à calculer qu’il faudrait que je me rapproche au maximum du pied de la Bonnette ce soir pour l’attaquer assez tôt demain matin. Cela conditionnera mon arrivée à Mandelieu…. En attendant, je recharge, je me restaure, je me douche et donne des nouvelles à ma famille et mes amis qui me suivent au fil des jours depuis 1 semaine. Je veux partir avant 16 h, pas de sieste ! une photo souvenir avec un Toulousain en charge de l’organisation et c’est parti, je vais essayer de rallier Barcelonette. La sortie de Digne annonce la couleur, ça grimpe tout le temps. J’attaque le col de Fontbelle et là c’est le pompon ! La variante par le village est monstrueuse. Il est 19h et une auberge est ouverte à St Geniez. La carte fait la part belle aux produits locaux, je craque pour un repas. Le PGO nous a averti par SMS que la descente sur Sisteron était dangereuse par la présence de gravillons. La prudence est de mise. Je me motive pour avancer avec cette appréhension de pouvoir trouver un lieu convenable pour dormir. De toute façon il faut avancer vers la Durance. C’est très sauvage et je ne croise personne. La nuit tombe et j’informe Fanny que je vais surement pousser jusqu’à 1h du matin pour m’approcher au maximum de Barcelonette. La pente devient plus raide, je me trouve dans un col. Les lacets serrés semblent trouver une brèche dans le rocher. C’est magique de passer ce col la nuit. Mon état physique ne change plus. Je suis fatigué, éprouvé, je plafonne mais je ne cède pas. La patience est la clef du succès. Dans les descentes systématiquement ma nuque devient raide. Un village, de la lumière et la chaleur d’un bar ouvert. Je vois 3 vélos en terrasse. Je reconnais Sébastien. Je m’arrête pour les saluer et boire une bière. Je frôle l’erreur fatale… mon vélo tombe au sol. Je ne l’avais surement pas bien rangé. Avec une transmission électrique, le risque de panne en cas de chute est accru… Ouf rien n’est cassé ! Je m’en veux d’avoir manqué de vigilance. Je repars avec les 3 collègues qui se connaissent bien et totalisent à eux trois plus de 10 RAF ! Il est 1h et je commence à piquer du nez. 2350 km au compteur, j’ai pas mal avancé, ça suffit pour aujourd’hui. Je trouve un abri bus grand luxe avec un banc en bois qui me garanti une isolation parfaite !!! je fixe le réveil pour 6h00… bonne nuit !
J8- Le Lauzet Ubaye (04) 2350 km / Mandelieu La Napoule (06) 2625 km
J’ai réussi à dormir 3 ou 4h. Il ne fait pas chaud mais ça va. Mon esprit est tournée vers la Cime de la Bonette. A Barcelonette, je retrouve les 3 compères qui me laissent la place pour le petit déj. Toujours un régal mais je ne perd pas trop de temps, chaque minute compte car je suis bien décidé de ne pas passer une autre nuit à la belle étoile… je peux rallier l’arrivée ce soir ! A la base de vie de Jauzier c’est pas la grande foule… je suis seul ! Je rentre dans un tabac/presse et demande 4 paquets d’Haribo. Je remercie la vendeuse et lui dit « avec ça je crains rien, je peux monter la Bonette ! » Il est 8h00, c’est parti pour 3h d’ascension ! Je grimpe lentement sur un rythme assez régulier. Je connais cette montée et les souvenirs de la traversée des alpes refont surface. C’est un combat tout de même car je ne veux pas faire de pause et il faut bien se rendre à l’évidence, mon corps est fatigué. Les motos et les voitures de luxes sont dans la place… un vacarme qui effraie les marmottes. Je n’en vois qu’une seule ! Petit à petit le sommet se rapproche, les paysages sont grandioses. Passage du col et il reste 1 km très pentu pour faire le tour de la Cime. Je donne tout et c’est une petite délivrance d’arriver devant la stèle. Ici c’est un showroom pour bikers… Il faut faire sa place pour la photo souvenir à 2800 m d’altitude, toit de la RAF. J’ai une pensée émue pour Patrick, sa photo est collé sur mon cadre et je me suis promis de l’emmener au plus haut sur cette RAF. Je m’élance dans l’interminable descente. La prudence est de mise pour ne pas rater un virage… je me calme. Une omelette à St Etienne de Tiné et à 13h je décolle avec une appréhension sur ce dernier tronçon qui me sépare de la grande bleue. La chaleur devient étouffante et le vent chaud remonte cette vallée de la Tiné. j’essaie de garder l’allure. 40 km de vallée à s’employer… le sommeil frappe à ma porte. Pas question de s’arrêter aujourd’hui pour la traditionnelle sieste… je lutte 30 mn et puis ça passe. 30 km Après Isola commence l’enchainement des difficultés de l’après midi. C’est magnifique. L’affaire se corse car la température devient caniculaire dans la vallée du Vars. Je m’arrête dès que je peux pour m’asperger et boire frais. Le compteur affiche 42 degrés. J’ai même les doigts qui prennent un coup de soleil. C’est tellement dur que je me pose la question de faire un break le temps que la température retombe… ça voudrait dire retarder mon arrivée ! A Puget-Thénier je recharge les batteries dans une station service. Je reprend tranquillement le col de St Raphaël long de 8 km et l’orage gronde au loin. La température baisse et la forme revient petit à petit. C’est très exigeant, on enchaine montées sur montées et descentes techniques. De toute façon c’était une journée à 5000 m de dénivelé ! Je suis charmé par le village secret d’Aglun. Un décor de cinéma ! Je reprend des gars qui m’avaient doublé plus tôt dans l’après midi. En général je me sens mieux en fin de journée. Je calcule mon heure d’arrivée… atterrissage prévu vers 23h si je maintiens l’allure et fait l’impasse sur ma pause resto habituelle ! Le profil est descendant maintenant. Il me reste moins de 40 km à parcourir. Que de chemins parcourus depuis Dinan, les sentiments se bousculent… Le téléphone vibre mais je ne peux pas lire tous les messages. Je sens bien que ça pousse derrière moi… merci la famille, merci les amis ! Le Taneron tient toutes ses promesses, j’y retrouve Sébastien et son pote Frédéric de Marmande qui bouclent tranquillement leur énième RAF ! Dernière difficulté de 3 km… Je peux enfin savourer, il n’y aura plus de montée. J’y suis arrivé en 8 jours ! Je descend de mon petit nuage direction Mandelieu, attiré par ces milliers de points lumineux. Il est 23h00 et je franchi enfin la ligne d’arrivée. Arnaud me remet le bout de bois, JE DEVIENS OFFICIELLEMENT FINISHER.
Voila, clap de fin sur cette fameuse RAF. Je retiens un parcours magnifique mais très dur. 8j (et 3h !) pour 2625 km et 36700 m de d+… La difficulté marque vraiment la différence avec toutes les épreuves que j’ai pu réaliser. L’ambiance entre participants était excellente même si cela reste une épreuve solitaire. Les quelques mots échangés avec mes compagnons de galères étaient bref mais précieux. Milles merci aux bénévoles tellement bienveillants pour nous. L’organisation est bien rodée et rien n’est laissé au hasard. Quelques points perfectibles certes, mais il est indéniable que la jeune RAF fait partie intégrante du paysage de la longue distance en France. Un défi à relever au moins une fois dans une carrière de randonneur.
C’était grandiose de se sentir soutenu. Je remercie les amis et les collègues pour tous les messages. Grand merci à la famille, mes supporters de toujours, qui pour certains n’ont pas beaucoup dormi durant cette semaine ! Merci à Céline et Philippe qui ont cru en mon projet. MERCI aux donateurs qui par leurs soutiens m’ont poussé à ne pas baisser les bras et vont contribuer à la réalisation de beaux projets porter par Hôpital Sourire en faveurs des enfants malades. Finalement je n’ai rien accompli d’extraordinaire, ils sont tellement nombreux à réaliser une RAF chaque jour dans les hôpitaux. C’était une fierté de porter le maillot Hôpital Sourire.
Merci à Samuel Chayrigues, Marc Pivaudran, Cycles 7, R Énergie, le SYDED du Lot, Brice et Laure Mialhe, Fabrice Cubaynes, Fabien Delpy, Nicolas Salez, Nicolas Manière, Bénédicte A, Andy Letrado, Cécile Cumer, André Cumer, Natacha Carisey, Viviane et Alain Campan, Yann Kergoulay, Nadège Campan, Cédric Bonnefoy, Franck Salvatico, Christian Chevallier, Philippe Manczak, Patrice Garnier, Sophie Nougayrède, Isabelle Atlan, Kévin Houdet, Luc Abad, Isabelle Mendailles, Sébastien Depétris, Clément Braz, Cleeven Joachim, Martine Noby, Violène Trabarel, Rafaëlle Assoumou, Thomas Deljarrit, Laurent Gil, Céline Combes, Huguette Noby, Amandine Lemaire, Nicole et Jean-Paul Eche, Delphine Lachassagne, Grégory Cuche, Mathieu Perget, Aurore Verlaguet, Ingrid Aurignac et Fabienne Delsahut.

Bravo Nicolas pour ce beau zig zag qui change des rectilignes des diagonales
Parcours très sélectif que tu as géré avec beaucoup d’expériences.
Bravo et respect pour ta démarche vis à vis de l’hôpital sourire.
Amitiés
Merci Jean Michel, ca me donne des idées pour un futur parcours de Diagonales !