Paris Brest Paris 2023

Comment décrire cette édition 2023 sans user et abuser de superlatifs. Le Paris Brest emporte tout sur son passage. On y croise des personnes extraordinaires, on y vit des situations improbables…tout cela au beau milieu d’une parenthèse de notre train train habituel. Cette année le rendez-vous était donc pris avec mon binôme Samuel. Une première pour lui et une envie pour moi de partager de forts moments ensemble. Nos épouses sont de la partie et assurent notre assistance. Le projet se dessine petit à petit au fil des brevets. Nous sommes qualifiés et optons pour le départ des 80h dans le sas B. Un objectif est fixé, éviter la troisième nuit…ce qui serait une performance très honorable pour Samuel qui découvre l’épreuve.

Les heures précédents le départ sont interminables et nous affichons des sourires crispés pour tenter de faire bonne figure au beau milieu de cette foule venu des 4 coins du monde. Jean Michel Vermeire et Bernard Aussillou me souhaite bonne route, puis je retrouve Michel Mingant dans notre sas. Les Bretons sont motivés, comme d’habitude !

Le départ est une délivrance et nous sommes rapidement aspirés par ce peloton qu’il faut absolument chasser. Samuel est surpris, l’allure est très rapide et le compteur affiche une moyenne supérieure à 35 km/h au bout de 120 km. Nul besoin de longs discours pour reprendre en main notre Paris Brest. Nous levons le pied à Mortagne au Perche. Hors de question de se brûler les ailes, la route est longue et nous aspirons à rouler plus tranquillement. La nuit tombe, laissant en suspend un croissant de lune. Nous y sommes…enfin…,il reste plus de 1000 km et la route est à nous… alors profitons de cette chance de pouvoir accomplir notre rêve.

Trop lent pour rouler devant et trop rapide pour s’abriter confortablement dans les roues. Nous avons du mal à trouver notre place. Nous laissons filer un groupe qui roule un poil au dessus et de manière trop irrégulière à notre goût. Derrière, les quelques randonneurs qui prennent des relais à nos côtés se font rares… Mais qu’importe, nous acceptons volontiers notre destin et nous avançons sans broncher.

Voila Fougère, nous pointons à 1h34 après avoir parcouru 290 km. L’arrêt est raisonnable. Les filles déroulent un rituel immuable : préparation des bidons, sandwichs, vêtements de rechange, rangement du Van… La nuit se rafraichie et dans une paire d’heure le jour percera ce brouillard qui semble sorti de nulle part. Je demande une faveur à Samuel, 5 mn d’arrêt à St Méen Le Grand. La terrasse non abritée d’un bar me servira de couche de fortune durant quelques minutes. Nous repartons et je n’ai plus sommeil. Nous sommes bons pour rallier Loudéac à 7h40. Le compteur affiche 435 km parcourus en 15h25. Cette humidité nous refroidie et nous prenons le temps de bien déjeuner. 35 mn d’arrêt.

Maintenant nous attaquons la partie la plus sélective du parcours durant 360 km. La partie la plus belle à mon goût. La remise en route en douceur devient la règle… aussi les premières bosses sont avalées tranquillement. Nous avons encore de l’énergie pour remettre du rythme dès que la route le permet. Arrêt à St Nicolas du Pelem pour le contrôle secret qui était annoncé ! Carhaix est en vue, il est 11h30. Nous éprouvons le besoin de manger un plat de pâte avec du blanc de poulet. Excellent ! Pour l’instant, le moral des troupes est au beau fixe. Pas de douleurs insurmontables et aucune panne mécanique. La fatigue normale induite par l’accumulation des kilomètres se ressent petit à petit. Voilà 45 mn que nous sommes arrêtés, il est temps de filer vers Brest.

Le faux plat en direction de Huelgoat est toujours aussi long. Mais cette vallée est plaisante et bien ombragée. Ensuite nous filons vers l’émetteur. Le ciel bleu tacheté de nuages blancs est magnifique. Le vent n’est pas trop fort, on se régale. Sam commence à piquer du nez. Un arrêt dans le café de Sizun s’impose. Une pensée pour Steeve avec qui j’avais fait la même pause, dans le même bistrot. Je débloque mon compteur bière et nous voilà reparti vers Brest. Pour le coup, le nouveau tronçon est assez pêchu… Nous reprenons des groupes qui nous avaient doublés lorsque nous étions au café. Preuve que nous ne faiblissons pas. Sam se fait plaisir et mène un train d’enfer dans les derniers toboggans.

Les filles sont au top, elles nous ont préparé un carré VIP au contrôle de Brest. On goute des pâtisseries et on s’allonge un peu à l’ombre. Il est 15h30, nous avons rallié Brest en 23h12. Après 35 mn d’arrêt nous repartons. Sur la rade c’est miami beach ! les Bretons se baignent. Arrêt photo et direction Carhaix par les montagnes noires. Les bosses s’enchainent et la chaleur est étouffante. Sam reste bien silencieux… en fait son silence cache une souffrance terrible. Ce qu’il redoutait tant a fini par arriver. Ses pieds sont en feux et chaque coup de pédale le fait souffrir. Nous nous arrêtons plusieurs fois. Massage et bain de pied au ravitaillement de Pleyben. Le type est dur au mal… nous pouvons continuer à avancer. Nous retrouvons Urbain Bernardo avant Carhaix. Il est 20h13 et nous avons parcouru 700 km en 28h. 1 h d’arrêt pour bien se préparer à affronter la seconde nuit…

Nous nous sommes un peu trop couvert pour attaquer la nuit. Il fait chaud… Tout à coup, Sam prend l’aspiration d’un camion rempli de balle de foin. Le fou ! ça va le finir… Au contraire, cette sottise l’a débloqué. Il ne sent plus ses pieds… ni ses pédales d’ailleurs ! On retrouve Tom le Dren qui s’était arrêté dormir une heure sur l’aller. On peut discuter, ça fait passer le temps. Je sens que le sommeil me guette et je me vois mal continuer sans dormir !

Loudéac, 784 km, il est 00h47. Je retrouve André Ialenti assis sur une chaise au contrôle. Il vient d’abandonner car il est bloqué du dos. Nous acceptons de l’embarquer dans notre voiture d’assistance pour le rapatrier à Rambouillet. Après 50 mn d’arrêt nous repartons. Comme ce fut le cas depuis Brest nous empruntons un itinéraire différent de celui à l’aller. Cela nous évite d’être éblouis par les lampes des randonneurs que l’on aurait pu croiser. C’est officiel, je suis en low battery ! J’ai sommeil et la lutte commence. Samuel me soutient et réduit l’allure pour que je puisse suivre. Je lui demande un arrêt. Je m’arrête 20 mn et je dors à même le sol à l’entrée des WC public… no coment ! Nous repartons et l’accalmie est de courte durée… il faut prendre une décision. Je m’arrête 1 h au dortoir de Quedillac. Sam continue son chemin pour retrouver les filles 25 km plus loin à Tinténiac.

Je retrouve Samuel vers 7h à Tinténiac. Il en a profité pour dormir 1 h à la belle étoile, bien emmitouflé. Avec le recul, on se rend compte que cet arrêt était plus que nécessaire. Voila 39h que nous sommes partis et nous avons accompli 870 km. Le vent est un peu frais mais la journée s’annonce encore chaude. Un Irlandais nous tient compagnie. Il ne prend aucun relai mais reste avec nous même lorsqu’on s’arrête.

10h20, nous sommes à Fougères. Superbe château que nous ne pourrons pas visiter ! 30 mn d’arrêt et nous repartons en direction de Villaine La Juhel. Il fait vraiment chaud. Sam redoute pour ses pieds. La bassine d’eau froide est obligatoire à chaque contrôle maintenant. Par 2 fois le sommeil frappe encore à notre porte… 2 micro siestes de 5 mn suffisent pour nous redonner de l’élan.

1020 km au compteur, il est 14h47 et il nous reste 200 km à parcourir. L’objectif de finir avant la nuit s’éloigne peu à peu. Mais nous ne voulons pas flancher pour éviter de passer toute une troisième nuit dehors ! Les filles sont toujours au petits soins pour nous. Elles sont extras. André nous donne des conseils. Aller maintenant on rentre, la route est moins difficile. Le vent est plutôt favorable et la chaleur de plus en plus gênante. Sam prend un coup de chaud dès la sortie de Villaine… Rapidement il ressent le feux au pied. On s’arrête plusieurs fois et on gère. A Alençon nous nous arrêtons dans un bar pour boire frais. Mortagne est en vue vers 19h. Comme d’habitude la grimpette pour passer le contrôle est délicieuse !

Ça sent l’écurie, il nous reste 120 km. Nous sommes motivés pour enchainer rapidement. Une bière, du saucisson et du flan pâtissier… voilà un ravitaillement qui me plait. Sam serre les dents et je me colle à la barre pour une bonne partie de manivelle. Sam prend quelques relais mais c’est un calvaire à chaque coup de pédale. Un Anglais nous prête main forte pour rallier Dreux. Le goût de l’eau dans les bidons a de plus en plus de mal à passer. Mais qu’importe, c’est bientôt la fin. L’approche du contrôle est interminable et nous arrivons pour 22h17 au contrôle. 20 mn d’arrêt et nous voila enfin sur le dernier tronçon qui nous sépare de notre point de départ !

Nous n’avançons plus. On se relâche totalement pensant que les 46 km à venir seraient une simple formalité. Au contraire ce relâchement nous ravive toutes les douleurs. Bref on prend notre mal en patience et forcément nous allons y arriver.

Nous franchissons la ligne à 00h31… les filles nous attendent et c’est une délivrance. Tout s’enchaine, le tampon, la médaille, le plateau repas… bref tout va vite sur Paris Brest !

Concernant les chiffres, 26,5 km/h de moyenne vélo pour 1224 km avec un dénivelé d’environ 11500 m. Nous avons dormi 1 heure durant la seconde nuit et le temps total des arrêt est d’environ 10h tout au long du brevet.

Quelle joie de réussir ce périple avec Samuel et les filles. 56h14 de vélo où nous avons pris soin les uns des autres pour arriver à bon port. L’amitié a prévalue sur l’ambition personnelle et c’est une sacrée victoire de réussir un Paris Brest en partant à 2 dès le coup de pistolet. Pour un coup d’essai un peu plus 56h n’est pas à la portée du premier venu. Quelque chose me dit que Sam n’en n’a pas fini avec la longue distance…

Grand remerciement à Karine et Fanny qui ont été formidable pour nous assister. Merci à tous ceux qui nous ont envoyé des messages de soutien.

Et enfin un grand merci aux organisateurs et bénévoles de l’ACP sans qui nous pourrions vivre nos rêves.

(3 commentaires)

  1. Je pense qu’on ne peut pas se rendre compte de l’exigence de ces épreuves sans les fautes. Bravo pour votre courage et votre entraide sur le vélo. Avec un capitaine de route comme toi Sam ne pouvait pas être mieux accompagné. Bravo aux filles qui vous ont permis d’accomplir votre rêve.

  2. Bravo à tous les 4, les coureurs et les accompagnatrices!!
    Quelle belle épreuve! Quel beau récit!!
    Vraiment, c’est un challenge que j’aurais aimé vivre mais c’est trop tard!!!
    Félicitations!

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